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Exemple de conditions pour un refus de permis de construire


Article écrit par Pierre Dubochet www.pierredubochet.ch

Une commune peut-elle refuser un permis de construire demandé par un opérateur de téléphonie mobile en se prévalant de la préparation d'un plan d’affectation communal —en phase d’élaboration et ainsi non encore soumis à l’enquête publique— et que le projet d’antenne compromettrait la modification de plan envisagée? L'arrêt du 30 janvier a tranché.


Élaboration d’un plan d’affectation communal: l’opérateur perd son recours

31 janvier 2024 | Une commune peut-elle refuser un permis de construire demandé par un opérateur de téléphonie mobile en se prévalant de la préparation d'un plan d’affectation communal en phase d’élaboration et ainsi non encore soumis à l’enquête publique et que le projet d’antenne compromettrait la modification de plan envisagée?


C’est à cette question que la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud a dû répondre.


Comme instruments possibles de planification des emplacements, le Tribunal fédéral a évoqué à diverses reprises la «planification négative», la «planification positive» et une réglementation à propos de l’évaluation des emplacements. Le concept définit donc des emplacements dans lesquels les installations de téléphonie mobile sont en principe interdites, des zones dans lesquelles elles sont en principe autorisées ou dans lesquelles elles dépendent d’une pesée d’intérêts ou d’autres conditions spéciales.


C’est presque l’unique possibilité pour une commune d’agir sur les lieux où seraient installées les antennes des stations de base, à la condition que le canton n’ait pas utilisé cet instrument et qu’il laisse une marge de manœuvre au droit communal. Pour une raison que je trouve étonnante, très peu de communes ne créent de planification ayant une capacité à influer sur les antennes, si bien que leur emplacement est à chaque fois décidé par les opérateurs.


Le tribunal fédéral dit en substance que si les objectifs du droit des télécommunications sont respectés, il est en principe possible de fixer des dispositions d’aménagement local servant des intérêts autres que ceux du droit environnemental, par exemple la préservation du caractère ou de la qualité d’habitat d’un quartier. Les antennes de téléphonie mobile peuvent rendre plus difficile la vente ou la location de certains immeubles et appartements et entraîner une pression sur le prix de vente ou le loyer. Ainsi, des prescriptions visant à réduire ou à canaliser les imissions de nature immatérielle dues à des installations de téléphonie mobile semblent possibles (ATF 133 II 321 [Günsberg], cons. 4.3.4).


Des prescriptions d’ordre esthétique ont donc de bonnes chances d’aboutir lorsqu’elles ne s’appliquent pas seulement aux installations de téléphonie mobile, mais s’intègrent dans une politique cohérente.


Venons-en à notre affaire.


Autoriser l'installation compromettrait la planification communale en cours


En 2020, une demande de permis de construire a été demandée pour une station de base de téléphonie mobile sur le territoire de la commune de C. Le projet a été mis à l’enquête publique l’année suivante et a suscité plusieurs oppositions. Selon la Centrale des autorisations en matière de construction, le projet aurait respecté les exigences de l’ordonnance du 23 décembre 1999 sur la protection contre le rayonnement non ionisant.


En 2023, la municipalité de C. a refusé de délivrer le permis de construire en se prévalant de son futur plan d’affectation communal, en phase d’élaboration. Son projet prévoit une planification négative des antennes de téléphonie aux alentours des lieux très densément habités et des écoles. La municipalité a proposé d’organiser une séance avec toutes les parties concernées afin de déterminer un autre emplacement plus adéquat. L’opérateur a recouru contre cette décision auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal. La commune a répondu par son dossier et a conclu au rejet du recours.


Les arguments faisaient notamment référence à l’article 47 de la Loi sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATC, 700.11; ci-contre) qui dit en substance sous chiffre 1: «La municipalité peut refuser un permis de construire lorsqu’un projet de construction, bien que conforme, compromet une modification de plan envisagée, non encore soumise à l’enquête publique».* Cette disposition laisse une grande latitude de jugement et un pouvoir d’appréciation important à la municipalité, par exemple de délivrer le permis de construire alors même que le projet serait contraire à la réglementation future envisagée.


En l'état, le plan d’affectation communal laisse apparaître que l’installation litigieuse prévue à proximité d’une école pourrait se trouver à un emplacement où les antennes de téléphonie seraient prohibées. La délivrance du permis de construire serait dès lors de nature à compromettre la planification communale non encore soumise à l’enquête. Même si la planification n’est pas encore achevée –et que par conséquent l’étendue concrète de la planification négative n’est pas connue–, le tribunal a admis que la municipalité pouvait faire usage de l’art. 47 LATC.


Il a indiqué aussi qu’il est en principe possible que la planification locale édicte des prescriptions qui poursuivent d’autres intérêts que ceux de la protection de I'environnement tel que la préservation du caractère d’un quartier ou de la qualité de son habitat. Le tribunal a également rappelé que la commune a fait état de quatre emplacements alternatifs, deux étant proches du site initialement choisi.


Le tribunal a jugé le 30 janvier 2024 que la municipalité n’a pas violé le droit supérieur en examinant la possibilité de prévoir une planification négative dans sa zone à bâtir et n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en invoquant l’art. 47 LATC pour refuser l’autorisation de construire litigieuse. Débouté, l’opérateur est condamné au paiement d’un émolument, d’une indemnité de dépens en faveur de la commune et d’une autre indemnité de dépens en faveur des opposants. Il peut faire recours au Tribunal fédéral. Ses chances de l’emporter seraient toutefois très minces.


* ATF 1C_197/2009 du 28 août 2009 consid.5.1         

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